1600 participants à Revolution@Work: que retenir de ce colloque ?
Derrière le digital: l’humain
Revolution@ Work – are you in ? - Le titre de cet événement, qui aura réuni la semaine dernière près de 1600 personnes sur deux jours au cœur de la défense, est très explicite. Mais de quelle révolution parle-t-on ? et comment faire pour être « in » ? Voici notre synthèse.
De quelle révolution parle-t-on ?
Il s’agit bien sûr des conséquences de la révolution digitale sur les relations humaines au sein des organisations.
Car par rapport à la précédente révolution autour du PC, de l’internet et de la communication des années 1990-2000, qui a notamment « disrupté » les métiers de la documentation et de l’information, et modifié en profondeur le quotidien des cadres et de leurs assistantes, la disruption en cours va avoir encore plus d’ampleur : elle remet en cause la proposition de valeur des entreprises de presque tous les secteurs ainsi que les notions Clients / Fournisseurs, Partenaires / Concurrents, Employeurs / Employés, et fait disparaître des barrières à l’entrée qu’on croyait immuables … pour en créer d’autres qui apparaissent infranchissables.
La diffusion de ces technologies est également beaucoup plus rapide – conséquence de la précédente « révolution ».
La particularité de la transformation que nous vivons actuellement résulte du coup de la combinaison de ces deux composantes : Plus fort x Plus vite = monde beaucoup plus instable.
Nous quittons donc durablement le temps où la mer calme de l’industrialisation suivait immuablement la tempête de l’innovation, pour rentrer sur un océan ou la météo est beaucoup plus capricieuse et où les vagues peuvent être titanesques.
Cela oblige à repenser l’organisation de l’entreprise, pour la rendre plus agile, plus apprenante et plus créative – en d’autre terme « auto-adaptative ». Et évidemment tout le monde, du moussaillon au capitaine, doit apprendre à naviguer dans ces nouvelles conditions pour éviter le naufrage.
Ces bouleversements ont déjà été largement couverts précédemment – on pourra par exemple se référer à notre synthèse des causes d'échec qui a été la base de la création d'un autodiagnostic de démarche de transformation que nous avons mis en ligne cet été et qui esquisse les divers changements managériaux rendus nécessaires par la transformation digitale.
On peut citer également les multiples témoignages recueillis lors du colloque « inno generation » organisé par la BPI à l’Accor Arena en octobre dernier, qui a également suscité une précédente publication sur notre blog. Ainsi par exemple Sylvie Guinard, de l’entreprise Thimonnier avait eu l’occasion d’expliquer lors des rencontres « Innogénérations » de la BPI comment elle avait basé la transformation de son entreprise en misant entièrement sur le facteur humain ; elle avait alors décrit les difficultés induites par la transformation de son entreprise sur ses équipes et notamment le management intermédiaire.
Ces observations issues de l’expérience empirique de cette brillante chef d’entreprise, ont été complètement confirmées durant le colloque Revolution @ work par les divers experts qui ont pris la parole au cours de ce grand rassemblement d’experts de l’humain : car le facteur H est la clé pour réussir à affronter les challenges digitaux.
Are you in ?
Pour répondre à cette question, divers ateliers ont d’abord défini ce qu’il fallait entendre par «être IN » : cela porte bien évidemment sur l’objectif à viser pour moderniser les relations de travail. Il n’y a pas de solution magique, car chaque entreprise a sa propre culture et doit apprendre en marchant ("test & learn"). Mais toute démarche doit au final doit viser à accroître la collaboration, gérer les angoisses et mobiliser le management autour de ces nouveaux enjeux.
Seul, on va plus vite, mais ensemble on va plus loin.
Fabrice Bonnifet, directeur développement durable et qualité chez Bouygues, a proposé un syllogisme lumineux : « Une entreprise c’est toujours résoudre des problèmes » – on a vu qu’ils allaient se multiplier - « Ce sont les entreprises qui arrivent à résoudre le plus de problèmes qui gagnent, ce qui implique que les collaborateurs soient mis en situation de résoudre les problèmes ». Il faut libérer les énergies des collaborateurs en leur enlevant les entraves qui les persuadent qu’ils ne peuvent pas faire preuve d’initiative. Quand les collaborateurs parviennent à réussir collectivement, quand ils ont des feedbacks positifs, quand l’erreur est non seulement dédramatisée mais également reconnue comme une technique d’apprentissage, alors ils augmentent leur capacité d’initiative - à l’entreprise de trouver les moyens d’exprimer cette reconnaissance dans le respect de ses contraintes financières.
Le « maître » mot de cette révolution des relations de travail est « collaboration »… qui ne doit pas devenir un « traitre » mot !
En effet, il faut faire attention à ne pas faire du pseudo collaboratif : selon Anne Sophie Sibout, VP Com qui a eu à gérer le rebranding des Tickets Restaurants en créant la marque d’entreprise Eden Red avec une approche très collaborative, toute « fake collaboration se voit immanquablement et est contreproductive ».
Autre écueil à éviter : les modalités de prise de décision en environnement collaboratif deviennent naturellement plus floues ; il faut donc les clarifier quand on introduit un mode de travail plus collaboratif, sous peine de voir la bureaucratie se mettre en place.
Plus que de l’affectif, de la raison
De nombreux ateliers ont été consacrés aux aspects humains de la transformation.
Il ne s’agit pas de psycho-papouille et je n’ai pas été le seul à éprouver quelques réticences envers des termes de « chief happiness officer » ou de « ministère du bonheur ». La DRH d’une grande banque a ainsi précisé que selon elle, l’entreprise n’est pas là pour gérer le bonheur, qui ne peut se résumer qu’au seul travail. Il s’agit tout simplement de relever objectivement que l’accroissement de la responsabilisation est facteur de stress. Indépendamment des considérations humaines, le fait que le stress empêche d’être efficace ou impliqué suffit à examiner sérieusement la question.
La notion de plaisir est plus appropriée que la notion de bonheur : travailler avec plaisir conduit évidemment à une situation gagnant / gagnant. Ainsi par exemple le télé-travail peut-il permettre de concilier travail et plaisir.
Les sciences neuronales, avec l'analyse du rôle de la dopamine, la sérotonine ou encore l’adrénaline, ont d’ailleurs même été évoquées pour les plus rétifs : elles tendent à démontrer scientifiquement que donner du sens et positiver grâce à la réussite collective va avoir un effet hormonal positif sur l’envie et neutraliser les effets négatifs engendrés par le changement. Sans oublier que cela va améliorer l’état de santé des collaborateurs.
Autre raison capitale de s’intéresser sérieusement au sujet : Le capital humain, a fortiori doté d’une intelligence collective (c’est-à-dire qui a adopté un mode relationnel collaboratif), est la ressource rare ; tout le reste s’achète. Il faut donc le préserver et le faire grandir.
On voit donc au final qu’il ne s’agit pas de bonheur au travail, mais simplement d’affronter sereinement les difficultés: « La vie est un ensemble de difficultés, mais c’est la vie, et on va y travailler ensemble » a résumé un des intervenants.
L’angoisse de l’inconnu
Supprimer les hormones négatives engendrées par le changement… oui mais comment ?
‘’Les mots «transformation », « réorganisation » ou « mutation » sont très anxiogènes ‘’ a ainsi expliqué Jean-Christophe Barralis, co-fondateur de l’institut français d’Appreciative inquiry. En l’absence d’information sur ces sujets, beaucoup plus souvent évoqués que réellement assimilés, chacun élabore ses propres représentations. Or un mauvais choix des mots peut induire un biais d'analyse. Parler d’innovation, d’adaptation, d’évolution, de modernisation ou de progrès donne une toute autre perspective; il faut clarifier et expliciter.
Selon Jean-Christophe Barralis, on ne décrète pas le changement : on le suscite par le questionnement, en redonnant du sens. Il faut communiquer pour clarifier, expliciter etc. Demander « quelle entreprise voulez-vous construire pour vos enfants ? » peut aider à exprimer les enjeux de manière sereine.
Le maelström des changements implique de rendre les collaborateurs beaucoup plus acteurs et plus autonomes. Mais cette transformation à son tour est facteur de stress.
La même conclusion est exprimée par Clément Ruffier, de l’Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail : L’adoption d’une démarche dite de «post-organisation », qui consiste à libérer de la bureaucratie et à rendre l’entreprise plus agile en modifiant considérablement le rôle du management intermédiaire, est en effet un des modes d’organisation participative. Or si cette forme particulière de participation est assez récente – et en plein essor-, les écueils de ce type de démarche participative sont bien connus ; elle est facteur de charge émotionnelle pour notamment :
ceux qui ne disposent pas des compétences pour évoluer dans ce nouvel environnement ;
ceux qui ne se sentent pas prêts à assumer les nouvelles responsabilités ;
ceux qui sont demandeurs de reconnaissance en échange d’une contribution plus forte ;
ceux qui ne souhaitent pas s’engager davantage pour diverses raisons.
Cette démarche nécessite de trouver de nouveaux équilibres délicats entre des contraires :
équilibre entre rentabilité et satisfaction du travail ;
équilibre entre autoritarisme et angélisme: les rapports de pouvoirs deviennent plus diffus au sein d‘organisations où ces rapports deviennent plus flous ;
équilibre entre collaboration stratégique et collaboration opérationnelle;
équilibre entre meneurs et suiveurs – autrement dits entre personnes disposant naturellement de degrés de leadership différents ;
équilibre enjeux individuels / collectifs.
Le management
Equilibrer les contraires constitue un enjeu complexe qui place le management intermédiaire en première ligne : en effet, des collaborateurs plus autonomes veulent pouvoir compter sur leur manager quand ils en ont besoin, pour réfléchir et mettre en réseau l’intelligence collective afin de prendre les bonnes décisions ensemble.
Il faut être très attentif au management intermédiaire, qui se retrouve particulièrement « disrupté » : Pour Laurence Breton-Kueny DRH d’AFNOR, Il y a un changement de paradigme pour le management: le manager était auparavant évalué pour sa performance, il est maintenant évalué sur sa capacité de coaching.
Il faut donc lui apprendre à prendre soin de la charge de travail des collaborateurs, et lui donner des outils d’évaluation du changement, l'aider à détecter les signaux faibles.
Les baromètres sont clé pour mettre en évidence les problématiques managériales ; ‘’on a toujours des « bonnes excuses » quand on les met en place. Le taux d’engagement dans les entreprises françaises est souvent un avantage, mais qui demeure mal exploité si les signaux faibles révélés par ces outils ne sont pas pris en compte dans les plans d’action ‘’ a déclaré la DRH d’une grande banque.
La rétention de l’information comme outil d’appropriation du pouvoir est une vraie plaie : de stock, l’information doit devenir « flux ». Le Comex a un rôle d’exemplarité et de structuration de la ligne managériale en sélectionnant les bonnes personnes aux bons postes et en soutenant les managers dans la destruction des silos.
Le directeur qualité d’une entreprise du CAC 40 va même plus loin et rajoute que dans ce nouvelle environnement, un bon manager est celui qui ne fait rien, qui fait confiance ; ce doit être un facilitateur, qui sait reconnaitre les efforts et pas seulement les succès. Si en période de croissance, il n’y a pas de mauvais manager, c’est en période de turbulence que les qualités des managers reviennent à la surface – ce qui est la situation occasionnée par la transformation digitale. Il faut faire un travail sur l’égo en le réduisant : récompenser le développement collectif pour que les managers se consacrent à faire grandir leurs collaborateurs.
Les outils
En complément d’une revue des techniques managériales, le colloque Revolution @ work a également permis à diverses start-up d’exposer la créativité de leurs en matière d’outils et de locaux. En voici trois qui ont particulièrement retenu notre attention, dont deux qui présentaient des solutions de tableaux électroniques avec des fonctionnalités intéressantes pour collaborer.
Yellow
Ils ont réinventé le tableau-blanc-avec-les-feutres-qui-salissent et les post-it-qui-se décollent en modernisant tout cela au moyen de dalles LCD tactiles : les post-it sont envoyés par les participants depuis leurs smart-phones (que ce soit du fonds d’une grande salle ou bien depuis leur domicile), deux tableaux électroniques peuvent-être synchronisés permettant à des équipes d’assister à la même réunion collaborative depuis les antipodes … et à la fin les post-it sont synthétisés immédiatement sous format word – « cherry on the pie » : il y a même un mode de reconnaissance de caractères pour les post-it «écrits » avec un « feutre » électronique.
La facturation se fait en achetant une (ou plusieurs) « salle » virtuelle.
Nos premières impressions :
Les + :
Ils ont reproduit fidèlement le fonctionnement du tableau blanc en s’affranchissant de la distance. La créativité collaborative peut être réalisée en s’affranchissant de la distance.
La synthèse est disponible immédiatement notamment sous format word ou excel.
Les - :
Prévoir un petit temps d’apprentissage pour la manipulation des diverses fonctionnalités.
UBikey
Par rapport à Yellow, cette solution est –pour l’instant- moins collaborative mais plus « intelligente » car l’écran tactile LCD, associé à une table digitale, intègre des fonctionnalités qui permettent de relier les post-it électroniques qui deviennent « intelligents ».
Point de magie ni d’oxymore, mais ces ingénieurs de l’UTC se sont attachés à reproduire le fonctionnement de séances de Visual Management faites au tableau blanc avec « post-it » en incorporant diverses fonctionnalités pré-programmées résultants de leur partenariat avec un cabinet de lean management. Diagramme Pert, Ishikawa et plein d’autres ont été développés.
Solution plus riche, elle est logiquement plus coûteuse
Cette jolie start-up a été chaperonnée par des grands acteurs du digital dont EDF.
Nos premières impressions :
Les + :
La combinaison table digitale et LCD.
Les fonctionnalités de visual management pré-programmées
Une interface qui apparaît intuitive.
Les - :
La fonctionnalité de collaboration à distance n’est pas développée à ce stade.
nod-A - Makerstorming
Cette société s’est positionnée sur la créativité digitale par … les cartes à jouer. Ils ont développé divers packages de créativité pour des tarifs allant de 80 à 600€ qui peuvent même s’acheter en ligne.
Je n’ai pas eu le temps de les tester … mais ils existent depuis 9 ans et ont piqué ma curiosité !
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