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Vie privée ou privé de vie ? les experts appellent à dépassionner le débat sur les données de santé.



Healthcare Data Institute

C'est l'après-midi, et j’ai fait un rêve : Je viens d’avoir un accident en Estonie. Dans l’ambulance qui me conduit à l’hôpital, l'urgentiste a pu accéder à tout mon dossier médical grâce au numéro unique présent sur ma carte d’identité. Il a pu le compléter et aviser le service des urgences de l’hôpital du diagnostic. Cela aurait pu permettre de gagner des minutes précieuses lors de l’arrivée à l’hôpital si mon cas avait été grave. A mon arrivée aux urgences, les formalités ont été très simples, puisque mon dossier était déjà prêt: en tout et pour tout, j’ai été rapidement accueilli par une infirmière qui avait lu mon dossier médical sur son smartphone et qui m’a rassuré sur mon état de santé et rappelé comment suivre le planning et les résultats d’examens sur mon téléphone. Rien à voir avec la fois précédente en France !

Pendant la consultation, les médecins ont eu immédiatement accès à l’ensemble de mon dossier médical informatisé, enrichi des constats faits dans l’ambulance et à l’arrivée aux urgences. Cela leur a permis d’être plus efficaces et d’éviter certains examens médicaux inutiles. Par la suite, le pharmacien de l’hôpital a aussi pu connaitre mes antécédents, mes traitements en cours et ainsi vérifier correctement l’ordonnance.

La France, comme la plupart des autres pays, est encore bien loin de ce dispositif !


le HDI lance le livre blanc sur la blockchain en matière de santé

Ce cruel rappel me sort de mes rêveries car je suis en fait à l’institut Pasteur pour assister au colloque sur les données de santé organisé par le think tank Healthcare Data Institute. Du coup, je me reconcentre sur la conférence pour entendre poursuivre Piret Hirv, conseillère e-santé et innovation pour le gouvernement estonien, qui nous présente le système de santé de son pays.

En Estonie, toutes les données médicales des patients sont informatisées et accessibles à tout professionnel de santé grâce à un numéro d’identification unique. Cela permet des économies substantielles tant sur la gestion administrative que sur l’efficience de la prise en charge. Les données de santé peuvent aussi être utilisées pour la recherche clinique. Cela permet une mise sur le marché plus rapide des nouveaux traitements. Les économies dégagées permettent de réorienter des budgets sur d’autres priorités médicales pour certaines pathologies qui ne peuvent pas être correctement traitées faute de moyens.

Elle précise que certes tous les médecins estoniens n’ont pas joué tout de suite le jeu et qu’être dans un petit pays a accéléré la mise en œuvre. Mais elle a rappelé certaines règles qui ont permis à l’Estonie de réussir la digitalisation complète de son système de santé:

  • Il y a une réelle volonté et une vision politique

  • Le digital n’est pas utilisé pour contrôler la dépense mais pour améliorer la santé publique

  • Les responsables de santé ont des accès aux données de santé mais ce droit est assorti d’une visibilité complète par le patient des accès à ses données médicales… Et gare au personnel de santé qui aurait consulté les données sans motif valable.

  • Le numéro d’identification unique est public et reporté sur la carte d'identité. Ce numéro défini l’identité et les droits assortis à la fonction. Toutes les données personnelles sont cryptées ; tout cela est garanti par les techniques de blockchain.

Je me tourne vers ma voisine, docteur en médecine et experte de ces sujets :

« - Donc si je comprends bien, en France, l’Administration privilégie la protection des données individuelles des patients pour respecter leur vie privée. Mais du coup, cette même vie est mise en danger puisque le verrouillage de l’accès à l’ensemble des données médicales d’un patient est la principale cause des accidents iatrogéniques qui font plus de 10.000 morts par an rien qu’en France, soit le triple des accidents de la route.

C’est bien cela ? - Oui, me confirme-t-elle, mais cela fait la grandeur de la France… Plus sérieusement, les systèmes d’information hospitaliers ne sont pas interopérables et les informations sont très hétérogènes et incomplètes ce qui désespère toute la communauté médicale ; l’assurance maladie recueille bien toutes les données destinées au remboursement des prestations mais focalise son attention sur la détection de la fraude. L’accès à ces données à des fins de recherche a été ouvert récemment, mais reste beaucoup trop complexe.

- Ah bon - Et Les choses vont-elles changer ?

Ce n’est pas pour demain! »

C’est alors que Guy Vallancien, membre de l’académie de médecine, indique : «Il n’y a aucun dispositif en France pour évaluer l’efficacité des traitements médicaux et de la prise en charge. Un simple questionnaire informatisé auprès des patients pour évaluer l’efficacité des traitements à 3 mois, 6 mois, 12 mois serait très précieux pour améliorer nos techniques et ne coûterait rien. Par exemple le CHU de Lille dépense 2,5 Millions d’€/an pour affranchir le courrier papier au lieu de l’envoyer par internet ! Et mes pairs ont aussi leur responsabilité, car dans l’ensemble ils ont peur des évaluations, par crainte de se voir sanctionnés en ayant des résultats moins bons ».

Pour la CNIL, la loi permet aux hôpitaux de collaborer pour utiliser leurs données et faire progresser la santé publique, mais il y a peu de progrès car chacun conserve ses données en espérant qu’elles aient une valeur marchande. Or le développement de services, rendus possibles par des données plus fluides, a sans doute beaucoup plus de valeur que les données elles-mêmes ».

Un récent sondage Odoxa rappelle d’ailleurs que les français sont d’accord à 80% pour que leurs données de santé soient utilisées, à condition de savoir pourquoi, par qui, et de pouvoir conserver le contrôle sur cet accès.

Selon Maître Caroline Henri, le nouveau Règlement Général sur la Protection des Données européen, (RGDP), qui rentrera en vigueur en mai 2018, prend acte que les acteurs économiques sont devenus plus responsables vis à vis de la gestion des données personnelles. Il va permettre de fluidifier la circulation des données tout en conservant des règles claires en matière de contrôle.

Selon J-Y Robin, aujourd'hui PDG D’Openhealth, la France a un excellent système de santé. Avec de la volonté et de la constance dans l’effort, la France a tout pour réussir à jouer un rôle de premier plan dans le ce domaine. D’autant que les techniques de blockchain permettent de mieux gérer la fluidité de cette information.

Quand je pense qu’avant-hier, lors d’une conférence sur l’intelligence artificielle organisée par l’EM Lyon dans les locaux de Google, la salle s’interrogeait sur les conséquences des nouvelles technologies, et sur les progrès qu’elle engendre pour l’humanité: l’exemple estonien démontre qu’une fois qu’on a dépassé les craintes parfois proches de réflexes moyenâgeux et qu’on commence à sérieusement travailler sur le sujet sans idées préconçues, on peut facilement retirer le meilleur des possibilités offertes par la technologie !

Des initiatives telles que celle du Healthcare Data Institute qui vient de publier un livre blanc sur l'usage de la blockchain dans les données de santé permettent de faire progresser le débat.

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